dimanche 23 août 2009

LaRéformeDuSystèmeDeSantéAméricainPourLesNuls...

En moyenne, les Américains dépensent énormément d'argent pour leur santé (18% du PIB contre 11,5% en France). Mais ces dépenses sont inégalement réparties. Pour ceux qui ne sont pas couverts par une assurance (plus de 46 millions d'Amércains, 16% de la population), le risque d'être mal soigné, ou d'être ruiné par un problème de santé, est grand.

Barack Obama s'est engagé à réformer ce système injuste, mais son projet, plutôt minimaliste comparé aux systèmes européens, est qualifié de « socialiste » par les Républicains, qui menacent sérieusement de le faire dérailler cet automne. Cet explicateur vous permettra de mieux comprendre l'enjeu de cette polémique, qui risque se conclure par le premier grand échec du président américain.

Comment sont actuellement couverts les Américains ?

En France, chacun cotise à l'assurance maladie, organisme géré par le patronat, les syndicats et l'Etat. Cet organisme rembourse les dépenses des assurés sociaux.

Rien de tel aux Etats-Unis. La population se divise en plusieurs groupes. Le total fait plus de 100% parce que certains Américains sont couverts de plusieurs façon (ex : medicare et assurance).

  • Ceux qui sont couverts par la puissance publique (25% de la population) :

Deux programmes, qui coutent plus de 4% de point de PIB, sont en place :

1) Medicare pour les plus de 65 ans et certaines autres personnes (invalides). Son coût est de plus de 200 milliards de dollars.

2) Medicaid pour les pauvres. Medicaid coiffe une cinquantaine de systèmes, un par Etat. L'Etat fédéral le cofinance.

  • Ceux qui sont couverts par une assurance fournie par l'employeur (60%) :

C'est le cas de l'essentiel des Américains. Le système ressemble à nos mutuelles complémentaires, sauf qu'elles ne sont pas complémentaires. Lorsque l'assurance est fournie par l'employeur, elle fait partie de la rémunération du salarié : ce dernier ne paye qu'une partie (exemple : 30%) des cotisations. C'est un système qui est devenu extrêmement coûteux pour les entreprises.

  • Ceux qui s'assurent directement (10%) :

S'ils ne bénéficient pas d'assurance d'entreprise, les Américains peuvent s'assurer individuellement auprès d'organismes. Mais c'est hors de prix.

  • Ceux qui ne sont pas du tout couverts (plus de 16%) :

Parce qu'ils ne sont pas assez pauvres pour être couverts pour Medicaid (ou mal informés) et parce qu'ils ne pas assez riches pour s'offrir une assurance individuelle. En cas de pépin de santé, ils doivent payer les frais directement (ils se présentent comme « self payer »), ce qui peut être extrêmement coûteux. En cas de gros problème, dans certaines villes, ils peuvent être admis dans des hôpitaux publics.

Que propose le plan Obama ?

Il ne bouleverse pas le système. Il maintient l'assurance privée mais propose de mettre en place un régime alternatif (c'est-à-dire concurrent des assureurs) qui permettrait de peser sur les coûts, et ainsi d'améliorer la couverture des Américains tout en facilitant la maîtrise des dépenses.

  • Les employeurs auraient le choix entre contracter une assurance privée comme aujourd'hui, ou alors payer une cotisation à un nouveau système.

Qui pilotera le nouveau système ?

C'est une des questions au cœur de la polémique. L'idée de départ, reprise par les commissions de la Chambre des représentants, était de confier la gestion à un organisme public. Les opposants au projet, ont accusé les démocrates de vouloir subrepticement imposer un « payeur unique » public comme dans certains pays d'Europe ou au
Canada.

Pour calmer ces critiques, des sénateurs ont proposé de mettre en place une organisation coopérative à but non lucratif, chargée d'une mission d'intérêt général : une sorte de grosse mutuelle. L'administration Obama n'y est pas hostile.

Qui s'oppose à la réforme ?

  • Les idéologues conservateurs : ils considèrent généralement que la redistribution est contraire à l'idéal américain de « responsabilité » : l'argent que l'on gagne par son travail ne doit pas être dépensé pour d'autres.

A la pointe du combat contre « l'Obamacare », diverses organisations comme Americans for Prosperity (et sa succursale Patients United Now), Freedom Works, ou encore Independance Institute au Colorado…
  • Une partie des assureurs privés, qui craignent la concurrence d'un organisme public.

  • Une partie des médecins et autres professionnels de la santé (qui avaient déjà contribué à torpiller la réforme Clinton, il y a quinze ans).

  • Evidemment les Républicains, qui ont trouvé dans l'affaire un bon angle de tir contre Obama : cela peut-être « son Waterloo », se disent-ils. Leur message martellé aux Américains : la réforme, coûteuse (1000 milliards sur dix ans), va entraîner une hausse massive des impôts et un rationnement des soins.

La lutte contre cette réforme « socialiste » permet de ressouder la droite, divisée après la défaite de John McCain. L'ex-candidate à la vice-présidence Sarah Palin, dénonce le « mal absolu » et met en garde contre la mise en place de « commissions de la mort » (« death panels ») peuplées de bureaucrates choisissant qui pourrait être soigné et qui devrait être sacrifié…

Où en est la réforme ?

Barack Obama avait volontairement laissé les contours de sa réforme dans le flou, pour ne pas empiéter sur les prérogatives du Congrès.

  • A la Chambre des représentants, les trois commissions qui ont planché sur la question appuient l'idée d'un système d'assurance-maladie public.

  • A Sénat, la commission des finances doit s'entendre d'ici au 15 septembre.

Les travaux parlementaires reprennent en septembre. L'idée est d'adopter la réforme avant la fin de l'année. La bataille risque d'être très dure. Il y a quinze ans, Bill Clinton avait échoué à imposer une telle loi, et sa défaite avait brutalement et durablement amoindri ses élans réformateurs…

Par Pascal Riché | Rue89 | 23/08/2009